LE BIAIS RETROSPECTIF
Poursuivant ma quête de sens sur le biais cognitif, le biais rétrospectif est le plus difficilement maîtrisable.
Pour rappel, un biais cognitif est un court-circuit mental permettant de traiter rapidement l’information pour que nous puissions nous faire tout aussi rapidement une analyse en cohérence avec notre vision du monde. Mais ces biais rapides nous conduisent parfois à faire des erreurs de raisonnement et de jugement.
Le biais rétrospectif est le fait de reconstruire sa mémoire après l’information parce que l’on interprète le sens de l’information par rapport à notre passé, en fonction d’autres faits connus et par rapport à nos convictions. On juge qu’un évènement était probable ou prévisible alors que rien dans le passé ne laissait prévoir de façon convaincante sa possibilité. En fait, on cherche à rendre le présent cohérent avec le passé.
Après l’évènement, on croit connaître le résultat avant qu’il se soit réellement passé.
Cette inclination à biaiser notre jugement apparait dans notre vie personnelle lorsqu’on nous annonce quelque chose de surprenant, d’étonnant, un fait très marquant socialement ou affectivement.
Cela peut être la victoire de notre équipe favorite, le cancer de notre voisin, le divorce de notre oncle, une catastrophe nationale, le résultat d’une élection, d’une enquête ou d’une étude.
Pour ne pas passer pour celui qui n’était pas informé, qui n’a pas su utiliser son intelligence rationnelle, qui n’a pas pu prévoir cet évènement inattendu, nous allons nous persuader que nous savions, que nous l’avions bien prévu.
On s’exclame :
« Je le savais. »
« J’en étais sur ! «
« C’est exactement ce que je pensais. »
Quand on apprend quelque chose de nouveau, nous avons tendance à recomposer notre mémoire, pour ne pas être surpris en flagrante défaillance de mémoire et de raisonnement. Nous allons alors nous persuader que nous étions au courant, que nous avions bien prévu cet évènement inattendu que tout était bien prévisible pour nous. On ne peut tout simplement pas admettre que nous pourrions avoir été dans l’erreur.
Ainsi, nous accordons toujours plus d’importance à ce que nous savons par rapport à ce que nous ne savons pas. Et, comme nous ne parvenons pas à prédire, nous justifions a posteriori.
Nos anticipations ne sont pas rationnelles comme nous le pensons. Nous ne parvenons pas à être objectifs car nous sommes toujours partiaux. Nous avons l’impression d’avoir le contrôle sur ce qui peut arriver.
En lisant cet article, il est fort possible que vous vous disiez « mais oui, je le savais ! ». Car ce biais est pratiquement inévitable, autant pour les experts d’un domaine (justice, médecine, psychologie, politique, histoire…) que pour le quidam ordinaire. Ce biais est essentiellement présent quand l’évènement a une issue défavorable et que les conséquences sont graves.
Dans la mesure du possible, il faut utiliser des stratégies pour reconnaître et réduire le biais rétrospectif dans l’évaluation des résultats imprévus et des évènements indésirables. Il faut remettre en cause notre opinion quand nous pensons connaître déjà ce que l’on nous apprend.